Ce soir, je devais animer une conférence pour la société dunkerquoise d’histoire et d’archéologie (SDHA). Elle se voulait une introduction à l’archéologie dans la région dunkerquoise, faisant état de la législation et des chantiers archéologiques qui ont eut lieu sur le territoire. En raison du confinement, la conférence n’aura pas lieu.
Pour marquer quand même le coup, je vous propose un court article pour vous faire découvrir la cité des Ménapiens, peuple gaulois puis gallo-romain sur le territoire duquel la région dunkerquoise est située. Il s’agit d’une introduction, en attendant…
Les Ménapiens sont un peuple gaulois qui d’après César vivait dans la région de l’embouchure du Rhin (BG IV, 4). César explique qu’ils se réfugiaient dans les forêts et les marais pour se protéger et échapper aux romains : « Près du pays des Eburons, défendus par une ligne continue de marais et de forêts, il y avait les Ménapes, qui seuls de toute la Gaule n’avaient jamais envoyé de députés à César pour traiter de la paix. » (BG, VI, 5).
Vers 30-29 avant J.-C., à l’occasion des troubles provoqués par le peuple germain des Suèves, les Ménapes quittent la rive est du Rhin pour l’ouest, afin d’y trouver refuge. Cet évènement coïncidant avec la répression de la révolte des Morins par C. Carrinas (-29), les Ménapiens purent s’installer sur une partie du territoire des Morins, alors confisquée. Ainsi, le territoire des Ménapiens à partir de cette période s’avançait jusque la rive est de l’Aa, depuis la rive ouest du Rhin et descendait jusqu’à la rive ouest de l’Escaut.
Les Ménapiens étaient pourvus d’un vaste territoire dont la capitale était Cassel au Haut-Empire (Castellum meniaporum), puis Tournai (Turnacus) au Bas-Empire. Ce déplacement de capitale pourrait s’expliquer, d’après R. Delmaire, par le désir de protection contre les raids maritimes des Francs et Saxons.
Les Ménapiens étaient très réputés à l’époque romaine, pour leurs jambons. Ils étaient des produits de luxe que l’on offrait. Pour ces salaisons, les Ménapiens avaient besoin d’un produit indispensable : le sel. Ce sel était produit en grandes quantités sur les rivages de la façade maritime de la cité, depuis l’époque gauloise (Site de bray-Dunes) jusqu’au IIIe siècle. L’eau très salée, la saumure, était mise à chauffer dans des petits récipients, les godets, posés sur des fours à grille ou à pilier. Le sel était produit par évaporation de la saumure.
Vidéo reconstitution sel inrap
Dans la partie française du territoire, en bordure de la Colme, ainsi que dans la partie belge, plusieurs ateliers de fabrication de sel ont été retrouvés. On y retrouve beaucoup de ces piliers de four comme vous voyez sur la planche.
Les fabricants de sel étaient des salinatores. Deux inscriptions retrouvées à Rimini mentionnent les salinatores originaires des cités des Ménapiens et des Morins. Ils offrent une dédicace de remerciement à un centurion de la légion V Victrix, basée sur le Rhin (entre 70 et 79 ap.), avec lequel ils commercent très probablement.
Enfin, tout au nord de la cité des Ménapiens, deux sanctuaires dédiés à la déesse Dea Néhalennia ont été mis en évidence par des stèles, des autels et des inscriptions. Il s’agit d’une déesse du sel qui protège les marins et marchands de sel.
Sur la photo du dessous, vous pouvez en voir une représentation, située dans un temple, accompagnée de ses attributs : le panier de fruits dans une main, dans l’autre des végétaux, symbolisant la prospérité amenée aux marchands, ainsi qu’un chien.
Ch. Hoët-van Cauwenberghe, professeur à l’université de Lille, a fait une traduction de l’inscription sur la stèle : « A Dea Nehalennia, Marcus Exgingus Agricola, citoyen de Trèves, marchand de sel dans la Colonia Claudia Ara Agrippinensium (Cologne) a exécuté son vœu de bon gré et à juste titre » (Catalogue de jeux de l’exposition, ça ne manque pas de sel). archives expo