Une des caractéristiques d’Homo sapiens au Paléolithique, par rapport aux autres hominidés préhistoriques, c’est sa capacité à s’extraire des strictes contingences de la survie pour s’exprimer à travers l’art, aussi bien par la peinture et la gravure sur les murs des grottes qu’à travers la sculpture d’objets en os. Mais il s’exprimait également à travers la musique. Si celle-ci nous reste inconnue de par son caractère immatériel, quelques instruments nous sont cependant parvenus. C’est grâce aux études ethnologiques que leur fonction a pu être interprétée. On peut aussi supposer qu’ils chantaient, tapaient dans les mains ou sur des supports variés, soufflaient dans des végétaux ou des cornes, peut-être dansaient-il également ?
Ces instruments sont des flûtes en os, des sifflets, des lithophones, des racleurs en os ou en bois de cerf ou encore des rhombes en bois de renne.
On ne connaît rien des contextes dans lesquels de la musique était jouée. Toutefois, on peut supposer qu’on le faisait au cours de cérémonies religieuses qu’on pourrait comparer à celles de tribus indiennes ou africaines, comme pourrait le laisser à supposer certaines représentations d’humains recouverts de dépouilles animales, comme celle du petit sorcier de la Grotte des Trois Frères (quoique les chercheurs ne s’accordent pas sur la signification du dessin qui pourrait aussi bien être celui d’un chasseur à l’affût, en tenue de camouflage).
Bref, notre seule certitude, c’est qu’ils faisaient de la musique. Pour le reste, tout n’est que conjectures, à moins d’une nouvelle découverte ou d’une machine à remonter le temps.
Vous trouverez un article détaillé sur les instruments de musique ici, avec la photo du dessin du sorcier.
L’instrument de musique dont je veux vous parler plus particulièrement aujourd’hui est le rhombe. Il s’agit d’une plaquette en forme d’ovale étiré, dont on a retrouvé plusieurs exemplaires en bois de renne ou en os. Ce matériau se conserve à travers les siècles mais on ne peut exclure l’usage du bois, qui lui ne se conserve pas, sauf conditions particulières.
La spécialiste française de la musique préhistorique, Tinaig Clodoré Tissot, explique dans sa conférence de Lille 3 que le rhombe a servit en Europe, dans les temps historiques proches, à effrayer les animaux : les loups dans le sud de la France, les oiseaux en Camargue, dans la chasse à la palombe au Pays Basque, les chauves-souris en Suède. En revanche, ailleurs dans le monde, il fait partie de rituels sacrés, comme les cérémonies d’initiation des garçons ou encore chez les Aborigènes d’Australie où il est un instrument sacré considéré comme étant la voix des ancêtres. Il est d’ailleurs frappé d’interdits et seules une petite partie de la population a le droit de s’en servir, à l’exclusion des femmes et des enfants.
Quel usage exact en faisait l’homme préhistorique, nous ne pouvons le savoir mais uniquement le supposer.
Vous pouvez retrouver la vidéo de la conférence de très détaillée de T. Clodoré Tissot avec essai d’instruments, à Lille 3, ici. Pour le rhombe, à partir de 13’.
Et son site.
Nous avons acheté dans la boutique du Thot un kit pour faire soi-même son rhombe, avec des outils préhistoriques. Une plaquette est fournie. Il faut poncer les angles avec une plaquette calcaire, percer le trou avec un perçoir en silex et faire une petite encoche pour le fil sur l’extrémité avec la petite scie en silex. On peut aussi s’en servir pour décorer son rhombe.
Ça m’a bien plu de faire ça. Mon père m’en a découpé d’autres de différentes tailles.
Par contre : attention aux cloques ! Et bien tenir le fil, soit en faisant une boucle façon dragonne, soit en l’enroulant autour de ses doigts, parce que si elle vous échappe, c’est dangereux !! Préférez un endroit bien dégagé, sans risques. Enfin, l’arrêt est pas évident : faites comme vous pouvez pour pas vous assommer.
On peut tourner au dessus de la tête et sur le côté. Pour ma part, j’ai mieux réussi au dessus e la tête, tandis que mon fils de 4 ans et demi, c’était plus facile sur le côté.
Les sons sont différents selon la personne et selon la matière et la taille du rhombe. Mon fils a vite pigé le truc, en adaptant naturellement la longueur de corde a sa taille.
Vous pouvez regarder une petite vidéo qui explique bien comment faire fonctionner un rhombe, ici : lien flutin des écorces. Ainsi, vous pouvez entendre le son d’un rhombe.
C’est très facile à faire soi-même, pourvu d’être muni d’une scie sauteuse et d’un bricoleur ou d’être bricoleur soi-même. Il faut découper un ovale étiré dans du bois et amincir les bords en les ponçant. Vous pouvez les décorer en les gravant ou en les peignant. Certaines ont été retrouvées avec des encoches sur les côtés. Peut-être pour modifier le son, mais je n’ai pas encore testé.
C’est une bonne expérience à réaliser en famille. On renoue avec des gestes anciens et traditionnels. C’est pédagogique et ludique.
La vidéo de Tinaig Clodoré Tissot et ses livres me donnent envie de tenter d’autres expériences. Je crois que je vais aller chez le boucher chercher des os de boeufs, à défaut d’avoir un auroch sous la main…