L’abbaye Notre-Dame des Dunes à Koksijde, Ten Duinen

Dimanche, par un magnifique temps ensoleillé, nous sommes allés visiter l’Abbaye des Dunes à Coxyde, Ten Duinen en Néerlandais.

Cela faisait longtemps que j’en avais envie car  le village de Zuydcoote dépendait apparemment de cette abbaye au Moyen-Age et elle possédait également des terres à Grande et Petite Synthe (Grote et Kleine Synthe), ainsi qu’à Coudekerque (Coudekerke).

Désormais, nous appartenons à deux pays différents, ce qui complique le transfert de connaissance, car en France, nous ne parlons plus le flamand (ou presque) et en Flandre belge, ils n’ont pas de document de visite, d’explication ou livre sur le sujet édité en français. En revanche, sur le site et dans le musée, les panneaux ont une traduction en français, en anglais et en allemand.

Cela mis à part, le site est magnifique et les dames à l’accueil sont sympathiques. On peut voir les ruines, de l’abbaye dans sa quasi-totalité, dans un écrin de verdure. L’endroit est calme et propice à la méditation.

L’Abbaye des Dunes est à l’origine un ermitage bénédictin fondé au début du XIIe siècle (1107) au milieu des dunes. Elle reçoit des terres par le comte de Flandre et différents donateurs. Vers 1139, elle devient une abbaye cistercienne, fille de l’abbaye mère de Cîteaux. Sous l’impulsion de Saint Idesbald, abbé de 1155 à 1167, l’abbaye entra dans une période de prospérité. Les moines se lancèrent dans de grands travaux de poldérisation, pour gagner des terres cultivables et des pâtures sur la mer et le sable. Ils élevaient d’immenses troupeaux de moutons dont ils vendaient la laine aux tisserands flamands.

Devant l’accroissement du nombre de moines et de convers, il fût envisagé de construire un monastère plus vaste.

C’est ainsi qu’entre 1214 et 1220, les fondements de la nouvelle église furent posés. 1214 est la date officielle mais apparemment non étayée par des sources, 1220 est la datation fournie par l’analyse archéométrique de la brique (information V. Deboone). A ce moment, l’église de l’abbaye des Dunes se positionne parmi les plus anciens édifices religieux à utiliser de la brique pour sa construction, en pleine période du renouveau gothique.

Un beau mariage entre pierre et brique

L’église fût consacrée à la Vierge en 1262, par l’évèque Raoul de Thérouanne. Le narthex (porche) de l’entrée fût ajouté au XIV e siècle

et vers 1400, les deux chapelles Maes furent ajoutées sur le côté nord de la nef.

Les bâtisseurs ont utilisé des briques de trois couleurs (rouge, rose, jaune) avec des éléments en pierre, comme les chapiteaux ou les bases de colonnes.

A plusieurs endroits, les colonnes soutenant les voûtes étaient également en pierre de Tournai ou en grès. Toutefois, n’oublions pas que les murs étaient peints à l’époque.

Le déclin de l’abbaye prit un tour définitif dans la 2e moitié du XVIe siècle avec les révoltes religieuses protestantes : iconoclastes, calvinistes et gueux de mer envahirent, pillèrent, saccagèrent et démolirent à tour de rôle les bâtiments. Les religieux partirent se réfugier définitivement à Bruges en 1627 et l’abbaye et ses terres, laissées à l’abandon, furent livrées à la mer et au sable, ainsi qu’à la vente ou au pillage des matériaux. D’ailleurs, une partie de ceux-ci servirent à la construction des fortifications de Dunkerque.

L’église est très grande, 120 m de longueur, ce qui en fait une des plus grandes de l’ordre de Cîteaux.

Elle est composée d’une nef à bas-cotés, d’un transept et d’un chœur qui devait être à sept pans, mais dont les vestiges sont sous la route Furnes/Coxyde.

Nous pouvons également encore voir les ruines du cloître ainsi que du logis de l’abbé, les cuisines, le réfectoire des convers et leur salle capitulaire…

Le cloître

Couloir sud du cloître

Colonnes du réfectoire des convers

Détail d’un chapiteau, qui nous permet d’apprécier le travail de sculpture

La cheminée du réfectoire des convers, avec détail du travail de moulage de la brique, prévis comme la taille de pierre

Après la promenade dans les ruines, sur le chemin vers le musée, trois petites cabanes en bois abritent des jeux anciens d’extérieur, auxquels les moines et les convers ont pu jouer au Moyen-Age.

C’était une bonne surprise et les enfants se sont empressés d’y jouer!

Le musée a également été une bonne surprise, il est moderne avec une très bonne muséographie.

Fouille reconstituée et histoire des fouilles et de l’abbaye

Il est consacré à la vie quotidienne dans l’abbaye, avec des scènes reconstituées très intéressantes en support visuel.

A l’étage, il y a un espace de jeu pour les enfants et à l’entrée, un espace où jouer avec des légos moines.

Je n’ai pas pu regarder le film car les portes de la salle de cinéma se ferment automatiquement à l’heure et on ne peut pas les rouvrir si on arrive 1 min en retard…. Ce sera pour une prochaine fois.

Je ne peux que vous encourager à aller visiter ce site et son musée. C’est une partie un peu méconnue de notre histoire, à nous de la région dunkerquoise. Mais pour tous, on y apprend beaucoup de choses sur la vie au Moyen-Age et pour les collégiens, cela fait un excellent complément aux cours du thème 2. Une maquette permet aussi de se rendre compte de l’élévation de l’abbaye et de la mettre en parallèle avec les ruines.

On a l’occasion de faire une belle balade, culturelle et champêtre, de jouer, et à partir de juin, d’y boire un coup à une buvette.

Il y a même une animation 3D que nous n’avons pas testé mais on le fera à coup sûr une prochaine fois.

De nouvelles attractions seront inaugurées en juin, on vous tiendra au courant !

Détails pratiques

Attention, l’entrée de l’Abbaye est dans un bâtiment à part du musée. L’entrée du musée et des ruines est à 7 euros pour les adultes. Il est possible d’accéder uniquement au parc pour 2 euros.

Le site de l’abbaye : https://www.tenduinen.be/fr

Glossaire :

Frère convers : un frère convers est un moine qui ne suit pas la grande règle monastique de l’ordre mais une règle mineure. Il est chargé des tâches matérielles et domestiques de l’abbaye. Les moines convers sont séparés des moines du chœur, qui se consacrent aux tâches spirituelles et intellectuelles.

Bibliographie : A. Dimier, « L’église de l’abbaye des Dunes », Bulletin monumental, tome 112, n°3, 1954, p. 243-251.

Chaplain William F. Davitt, Aumônier militaire, mort le jour de l’armistice

(English version in bottom)

Aujourd’hui, en ce jour très particulier de l’Armistice de la première guerre mondiale, j’aimerai honorer l’aumônier catholique William F. Davitt, premier lieutenant. Il appartenait au 125e régiment d’infanterie, de la 32e division des forces expéditionnaires américaines. Il a reçu la Distinguished Service Cross ainsi que la Croix de Guerre, pour actes de courage et de bravoure exceptionnels sur le champ de guerre.

Il est honoré sur la chaire du temple mémorial protestant de Château-Thierry avec les autres aumôniers qui ont perdu la vie durant cette guerre. (ici l’article qui parle de cette chaire).

Le Lieutenant William Frederick Davitt est né le 6 janvier 1886 à Holyoke, Hampden County, Massachussetts. Son père était Lawrence Davitt et sa mère Mary Kane Davitt.

Holy Cross Yearbook, 1907

 Il a grandit à Willimanset et fréquenté le lycée de Chicopee (classe de 1903). Lors de ses études au collège de la Sainte Croix à Worcester, il jouait au football et la dernière année, il en a dirigé l’équipe. Il était un athlète accompli, joueur de football, de basket-ball et lutteur. Il a poursuivit ses études au Grand Séminaire de Montréal au Canada et a été ordonné prêtre en décembre 1911. Après son ordination, il a été affecté à l’église St. John à Worcester et à l’aumônerie de la Lyman School for Boys à Westboro. Durant cette période, il a également contribué à l’organisaton d’une maison de charité pour femmes et enfants et ainsi qu’à aider les pauvres dans les tribunaux pour mineurs.

Sa deuxième affectation l’a conduit à Lenox dans l’église Sainte Anne où une plaque de bronze honore sa mémoire. En septembre 1917, il rejoint l’armée américaine au sein des Knights of Columbus chaplains. Il a suivit un entrainement au Camp MacArthur au Texas, avant d’embarquer en février 1918 pour la France avec le 125e régiment d’infanterie de la 32e division, dont il fût l’aumonier.

Il eut de nombreux actes de courage et de bravoure sur le champ de guerre, dont un en particulier lui valut la Croix de Guerre de la France et l’American Distinguished Service Cross : le 6 août, alors qu’avec son régiment, ils étaient en action le long de la Vesle, ils apprirent que 40 soldats américains blessés étaient acculés dans un ravin. Avec des volontaires, Davitt s’est lancé dans leur sauvetage, alors même qu’une pluie de balles de mitrailleuses s’abattait sur eux. Tous ont été sauvés et aucun des sauveteurs n’a été blessé.

Le jour de l’Armistice, alors qu’il était affecté au QG du 3e Corps, pour les enterrements, il retourna à son régiment pour livrer le drapeau américain pour les cérémonies célébrant la fin de la guerre. Il monta lui-même à un arbre pour accrocher le drapeau et alors qu’il était redescendu et avait lancé une acclamation, il fut fauché par l’explosion d’un obus allemand, tué sur le coup. Ainsi, un peu plus d’une heure avant la signature de l’Armistice, il fût le dernier aumônier et le dernier officier à être tué pendant la première guerre mondiale. Il fût enterré dans un cercueil orné du fameux drapeau, amené par une charrette tirée par son cheval, les étriers inversés.

En son honneur, un pont lui est dédicacé, à Chicopee, ainsi qu’une association de vétérans qui a pris son nom mais également une chanson “Father William Francis Davitt World War Martyr”.

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Today, on this very special day of the Armistice of the First World War, I would like to honor Catholic Chaplain William F. Davitt, First Lieutenant. He belonged to the 125th Infantry Regiment, 32nd Division of American Expeditionary Forces. He received the Distinguished Service Cross and the Croix de Guerre for outstanding acts of courage and bravery on the battlefield.

He is honored on the pulpit of the Protestant memorial church of Château-Thierry with the other chaplains who lost their lives during this war. (here the article about this pulpit).

First Lieutenant William Frederick Davitt was born on January 6, 1886 in Holyoke, Hampden County, Massachusetts. His father was Lawrence Davitt and his mother Mary Kane Davitt.  He grew up in Willimanset and attended Chicopee High School (class of 1903).

Holy Cross Yearbook, 1907

During his studies at the College of the Holy Cross in Worcester, he played football and in the last year, he led the team. He was an accomplished athlete, football player, basketball player and a championship wrestler. He continued his studies at the Grand Seminary at Montreal in Canada and was ordained to the priesthood in December 1911. After his ordination, he was assigned to St. John’s Church in Worcester and to Chaplaincy of the Lyman School for Boys in Westboro. During this period, he also helped to organize a charity home for women and children as well as helping the impoverished in juvenile courts. His second assignment took him to Lenox in St. Anne’s Church where a bronze plaque honors his memory. In September 1917, he joined the US Army in the Knights of Columbus chaplains.

He trained at MacArthur Camp in Texas before embarking for France in February 1918 with the 125th Infantry Regiment of the 32nd Division, which he was the regimental chaplain. He had many acts of courage and bravery on the war field, one of which earned him the French War Cross and the American Distinguished Service Cross: August 6, while with his regiment, they were in action along the Vesle river, they learned that 40 wounded American soldiers were cornered in a ravine. With volunteers, Davitt launched their rescue, even as a hail of machine gun bullets fell on them. All were saved and none of the rescuers were injured.

On Armistice Day, when he was posted to 3rd Corps HQ for burials, he returned to his regiment to deliver the American flag for ceremonies celebrating the end of the war. He climbed a tree himself to hang the flag, and as he climbed down and cheered for the end of the war, he was killed by the explosion of a German shell, killed instantly. Thus, just over an hour before the signing of the Armistice, he was the last chaplain and the last officer to be killed during the First World War. He was buried in a casket draped with the famous flag, brought by a two machine-gun carts pulled by his horse, inverted stirrups.

In his honor, a bridge is dedicated to him, in Chicopee, as well as a post of veterans who took his name (post 625) but also a song « Father William Davit Francis World War Martyr ».

 

L’église Saint-Eloi de Dunkerque, entre guerres et paix…

L’église Saint-Eloi est un monument majeur du patrimoine de Dunkerque. La date d’origine de la construction de la toute première église de la ville est inconnue. Toutefois, un texte du XIe siècle (1067) nous apprend que Dunkerque existait déjà à cette période. Il est probable que la petite bourgade de pécheurs possédait alors une petite église ou au moins une chapelle, cette fameuse « église dans la dune », qui donna son nom à la ville. Saint Eloi quand à lui est un personnage qui vécut à l’époque mérovingienne (VIIe siècle) et n’a pu connaître Dunkerque,  dont l’emplacement était alors sous les eaux.

On sait, grâce à des textes et des gravures, que l’église existante fût reconstruite, grâce à la contribution de toute la population, au XVe siècle, à partir de 1450, selon le modèle de la hallekerque, alors répandu en Flandre. Le maître d’œuvre était originaire de la ville de Gand. Comme on peut le voir sur la gravure et le schéma, elle était dotée de trois vaisseaux d’égale hauteur, avec un transept et une tour porche en façade, par laquelle on entrait dans l’église.

La tour porche est notre beffroi actuel, seul vestige de l’époque médiévale encore en élévation.

Dunkerque fût la proie, à travers les siècles, des nombreuses vicissitudes des guerres successives. Saint-Eloi eut souvent à en subir les conséquences et en 1558, lorsque les français s’emparèrent de la ville, elle fût pillée et l’église, incendiée. L’année suivante, le conseil de la ville décida de sa reconstruction, mais sur un plan plus vaste. Cependant, ils n’eurent pas les fonds nécessaires à l’achèvement des travaux. Le chœur et les premières travées de la nouvelle nef, de style gothique flamboyant purent être achevées. Il y avait désormais, comme on le voit sur le plan, une nef, des bas-côtés et des chapelles tout autour, rayonnantes dans le chœur au chevet désormais arrondi.

Les ruines des vaisseaux de la hallekerque, quant à elles, furent laissées en place et la tour porche fut murée. En 1591, un passage voûté fût aménagé dans les ruines afin de créer un passage.

Une de grandes spécificités de cette église gothique était l’absence d’arc-boutants, remplacés par des contreforts et des barres métalliques à l’intérieur, assurant la stabilité de l’édifice.

En 1782, alors que la ville subissait des transformations importantes, l’intendant des Flandres commanda une façade à l’architecte parisien Victor Louis. En effet, Saint-Eloi n’avait toujours pas de façade. Il imaginât un portique à colonnes néo-classique, dans l’air du temps, avec un fronton. Il détruisit aussi les murs de séparation des chapelles, créant ainsi un second bas-côté.

Il recula également les murs au-delà des contreforts, donnant un aspect plat aux murs.

Son autre action majeure fût de raser les ruines de l’ancienne hallekerque, séparant ainsi définitivement le beffroi de l’église.

Toutefois, à cause de vices de construction, la façade se dégradât rapidement et elle fût démontée en 1882.

En 1885, un concours fût organisé pour une nouvelle façade. Il fût remporté par un architecte local, Van Moë, et en 1889, la nouvelle et définitive façade néo-gothique, de style Ile-de-France, fût achevée.

Mais l’église Saint-Eloi n’en avait pas fini avec les drames, car avec les deux guerres mondiales, elle subit des destructions majeures et sa reconstruction fût lente et totalement achevée seulement en 1985 !

Bibliographie : les panneaux conçus par les archives de Dunkerque, 2008, visibles dans l’église. Je vous les recommande chaudement! ; A. Cabantous (Dir.), Histoire de Dunkerque, éditions Privat, Toulouse, 1983

 

L’église Saint-Martin de Bergues

Bergues est une très jolie ville flamande, dont la fondation remonte au Haut Moyen Age. Il fait bon s’y promener et flâner en levant les yeux. Nombre de façades ont des détails très intéressants !

Elle possède une église paroissiale dédiée à Saint Martin, fondée au Xe siècle par Baudoin le chauve, Comte de Flandre. Lors de la guerre des Gueux (guerre de religions), au XVIe siècle, elle est détruite puis reconstruite dans la deuxième moitié du XVIe siècle.

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L’église Saint-Folquin d’Esquelbecq, histoire d’une hallekerke flamande

En face, du château d’Esquelbecq, au centre d’une place d’armes, desservie par des rues à angles droits sensées faciliter la défense de la place, trône la hallekerke de Saint Folquin.

Une Hallekerke est une église dont la nef centrale et les bas côtés, qui sont alors des nefs latérales, sont de même hauteur et communiquent entre eux sur toute la hauteur, comme vous pouvez le voir avec les photos ci-dessus et ci-dessous. Au contraire des églises classiques avec une nef centrale plus haute que les bas-côtés… Lire la suite

Le château d’Esquelbecq, un château de style flamand à découvrir

Samedi matin, je suis allée visiter le Château d’Esquelbecq à l’occasion des journées du Patrimoine. Depuis quelques années, il fait l’objet d’un nouveau dynamisme avec un programme salutaire de restaurations, impulsé par le propriétaire, Johan Tamer, et a reçu plusieurs trophées prestigieux pour la qualité de ses restaurations. L’aile nord en partie effondrée suite à l’effondrement de la tour de gué en 1984 a pu être reconstruite grâce à une levée de dons et de subventions et est désormais ouverte au public lors d’occasions comme les JEP. Lire la suite